La petite histoire de la chapelle Britannia (1894-1966)
Les missions et les chapelles rudimentaires précèdent inévitablement l’église qu’on érigera beaucoup plus tard. Le canton nord de Nepean sera nommé Britannia, en 1822, par le capitaine John Le Breton lorsqu’il décida d’y fixer sa demeure pour exploiter ses moulins à farine et de bois. L’établissement d’une population à la Bay se fait de façon sporadique, à la merci des inondations fréquentes et au gré des exploitants de produits forestiers, pendant qu’à Britannia Heights, les fermiers s’installent en permanence. Cette caractéristique du développement du secteur Britannia se poursuivra jusqu’au milieu du vingtième siècle et explique la venue de Britannia Bay. À la lueur de l’histoire, aussi abrégée qu’elle puisse être, il est facile de comprendre la requête des estivants catholiques auprès de Mgr Duhamel, évêque d’Ottawa, pour la construction d’un lieu de prière et de rencontre. Une petite chapelle sera alors érigée en 1894, sur un terrain donné par le financier J.R. Booth ainsi que par des dons en nature et en argent fournis par d’autres investisseurs. Catholiques et protestants contribuent pour leur part à plus de 800$ pour la construction de cette petite chapelle. Dédiée le jour même de l’anniversaire de Saint-Bonaventure, évêque, docteur de l’église, disciple de l’ordre de Saint-François d’Assise, la petite chapelle devient desserte de la paroisse Saint-François d’Assise, lors de la première célébration. Fière de leur chapelle, la population résidente ne pourra en jouir que durant la belle saison et à l’occasion des fêtes religieuses, car Britannia demeurant au fil des années, un village à vocation estivale. De 1894 à 1906, la petite chapelle subira des transformations majeures dont l’ajout d’un chemin de croix, d’un clocher, d’un orgue et d’une allonge à la chapelle, laquelle fut bénie en 1906 par Mgr Duhamel, premier archevêque catholique d’Ottawa. Elle sera délaissée graduellement par des paroissiens francophones qui désiraient une paroisse catholique francophone dans l’ouest de la ville d’Ottawa. Fatiguée dans son bois de charpente, la petite chapelle du chemin Britannia s’éteint dans un immense brasier à l’été 1966
Fondation de la paroisse Saint-Remi (1950-1965)
Le premier janvier 1950, Britannia deviendra une partie intégrante de la ville d’Ottawa et le boom économique de l’après-guerre contribuera à transformer la colonie de vacances à l’urbanisation. Ceci oblige les paroissiens qui, au cours des années, fréquentent l’église Sainte-Jeanne d’Arc, à entreprendre des démarches pour obtenir une église permanente à Britannia. À partir de 1946 les appels se font pressants auprès de Mgr Alexandre Vachon, pour la construction d’une église et d’une école française dans le secteur.
Le 10 septembre 1962, se tenait la première réunion pour discuter de l’avènement d’une paroisse catholique francophone dans l’ouest de la ville. L’abbé Gravel déclara : « Nous n’ignorons pas qu’un grand nombre parmi vous, désirez voir le plus tôt possible s’ériger une nouvelle église en ce milieu mais d’aller plus vite en cette matière serait peut-être faire un faux pas. Nous devons tenir compte en premier lieu du nombre de familles canadiennes-françaises, de la qualité des membres et leur stabilité domiciliaire ainsi que de leur prospérité économique ». À L’assemblée générale du 19 novembre 1962, le chanoine Hermas Guindon procureur du diocèse est venu informer les paroissiens de leurs obligations relatives à l’achat d’un terrain et de la construction éventuelle d’une église. Appelés à faire une proposition sur l’acquisition d’un terrain, c’est alors qu’un vote unanime décida de demander au chanoine de transiger avec la Cie Robert Campeau en vue d’acheter un terrain d’une superficie de deux acres sur la rue Watson près du Queensway pour une somme de 30 000$. En réponse, monsieur le chanoine annonce que la Corporation Épiscopale du diocèse d’Ottawa accepte de se porter acheteur du terrain et de défrayer la construction de l’église. À ce montant s’ajouteront les intérêts et les taxes d’usage. Les obligations financières des paroissiens, après réalisation du projet, seront de payer annuellement les intérêts et les taxes en plus de voir à l’administration courante de la future église. Le 24 mars 1963, lors d’une assemblée générale tenue au Lakeside Garde, les paroissiens approuvaient un emprunt de 200 000$ en vue de la construction de l’église, du presbytère et un sous-sol fini. Au cours de la même année, fut donc élu le premier corps syndic (marguillers) de la paroisse qui sera chargé d’administrer les affaires et de siéger sur le comité en charge de la construction. Ce premier corps syndic était composé de messieurs Robert de Montreuil, Normand Drouin et Henri Pomminville. C’est à eux que reviendra entre autres la tâche d’identifier un architecte et de négocier les plans de la future église. Après avoir fait enquête au sujet de l’architecte Novak, celui-ci reçoit la pleine confiance des membres et celle du comité chargé de la construction en plus de l’économie appréciable que M. Novak pourra leur faire réaliser. Durant toute cette période de préparation pour la construction de l’église qui dura plus de deux ans, on ne peut passer sous silence les incalculables heures de bénévolat passées par une cinquantaine de bénévoles dévouées à la réalisation de cette énorme entreprise. Durant les travaux de préparation et de construction, il est décidé que la messe sera dite l’été à la chapelle et l’hiver en une salle du Lakeside Gardens, à Britannia. Enfin, un décret émanant de l’archevêché sous Mgr Marie-Joseph Lemieux, en date du 27 avril 1963, proclame la fondation d’une nouvelle paroisse sous le vocable Saint-Remi. Le 6 décembre 1964, une première pelletée de terre signale le début des travaux. La compagnie de construction Daoust s’affaire à ériger la nouvelle maison de Dieu. Le dimanche, 31 octobre 1965, Mgr Raymond Limoges, vicaire général de l’archidiocèse, présidera la cérémonie de bénédiction des lieux, et de l’autel en après-midi. La nouvelle église sera placée sous la protection de Saint Remi, évêque de Reims, qui est à l’origine de la civilisation chrétienne en France et qui est honoré comme un des grands nationaux.
Première école francophone dans l’ouest de la ville d’Ottawa
En 1958-59, la Commission des Écoles séparées catholiques d’Ottawa a construit l’École Saint-Léonard afin d’accommoder et de rapatrier les élèves du jardin d’enfants à la huitième année qui fréquentaient l’École Sainte-Jeanne d’Arc (1957). Ces enfants devaient voyager par tramways et par autobus de très grandes distances pour se rendre à cette seule catholique française. Que de sacrifices de la part des parents qui tenaient à ce que leurs enfants reçoivent une éducation francophone et catholique! Oui, ils étaient vraiment courageux et persistants ces parents de l’ouest de la ville d’Ottawa. Et c’est donc dans cette nouvelle école (partagée avec la section anglaise) qu’ils réussirent à former l’Association des Parents et Instituteurs (API) de Saint-Léonard avec comme directrice Mme Mariette Lavallée.
Afin de renforcer leur formation religieuse surtout durant l’année du Concile œcuménique, les élèves accompagnés de leur instituteurs (trices) se rendaient à la chapelle de Britannia afin d’assister à la messe et recevoir les sacrements lorsque la température le permettait. On pouvait les entendre chanter et bavarder gaiement tout au long du parcours. Il y eu aussi de joyeux concerts et de belles réunions à cet endroit.
Le 4 janvier 1965, les élèves se verront à nouveau déménager dans une autre nouvelle école moderne complètement francophone et située à côté de l’église Saint-Remi. La bénédiction de l’école a été présidée par Mgr R. Limoges. Le tout fut suivi d’une procession, d’une bénédiction des locaux et d’une réception organisée par l’API de Saint-Remi et subventionnée par la Commission des écoles séparées d’Ottawa. De nouvelles familles encouragées par la construction d’une école et d’une église bien à eux déménagèrent nombreux et se regroupèrent autour d’une nouvelle communauté chrétienne francophone.
Témoignage de Mme Mariette Lavallée, première directrice de l’école Saint-Remi, de 1965 à 1971.
Bénédiction de l’église -Saint-Remi
Le dimanche, 31 octobre 1965, Mgr Raymond Limoges, vicaire général de l’archidiocèse, présidera la cérémonie de bénédiction des lieux, et de l’autel en après-midi. La nouvelle église sera placée sous la protection de Saint Remi, évêque de Reims, qui est à l’origine de la civilisation chrétienne en France et qui est honoré comme un des grands nationaux.
Tapisserie réalisée par les Artisanes de Saint-Remi
Zygmunt Julian Nowak, architecte de l’église Saint-Remi
D’abord ce fut un rêve..
Tente, tu es mon église », prière de Zygmunt Julian Nowak, architecte de l’église Saint-Remi. Une église en forme de tente, voilà le rêve engendré sous une tente au cœur du désert, à Barbara, en Palestine, de Zygmunt Julian Nowak, jeune polonais, victime de la déportation vers la Russie en 1924, qui réalisera son rêve quelques années plus tard, en devenant architecte en 1947. L’église Saint-Remi est née de la vision d’un homme hautement cultivé, croyant, autant humble que généreux.
Zygmunt Julian Nowak est né le 15 janvier 1924, à Nieswiez, au nord-est de la Pologne. Sa famille fut victime de la déportation en 1940 vers la Sibérie. Hommes, femmes et enfants furent conduits par les soldats russes vers les trains qui devaient les conduire dans des camps de travaux forcés. Les Polonais en l’occurrence n’avaient d’autre destin que celui de mourir lentement dans ces camps sibériens. Durant ce long et pénible voyage en train, Zygmunt, un soir, fiévreux et affamé, se couvrant le visage de ses mains, déclara à sa mère qu’il souhaitait offrir une offrande votive à Dieu, à son retour en Pologne. Atteint de typhoïde, Zygmunt a pu fuir avec sa famille, vers Téhéran évitant ainsi d’être enrôlé dans une armée de bagnards à côté de l’Armée rouge. Arrivés en Iran, en 1942, la famille revêt l’uniforme de soldat sauf pour Zygmunt atteint de tuberculose osseuse à la hanche gauche. Zygmunt sera inscrit à l’école des cadets à Tel-Aviv, en plein désert de la Palestine. Il poursuivra ses études de 1943 à 1947. Mais durant ces années, il ressentait des douleurs aiguës, et demeurait replié sur lui-même dans sa tente, suppléant Dieu de le guérir. Un dimanche, alors qu’il était dans un état d’intense douleur, il fixait le haut de sa tente, avec une détermination bien arrêtée, très proche d’une prière ardente. « Tente tu es mon église », chuchota-t-il. En 1947, sa santé s’était nettement améliorée. Zygmunt Nowak obtient son baccalauréat. Il approfondi ses connaissances et élargit son champ de réflexion qui le mène vers la poésie et la musique. Toujours, ses œuvres seront accompagnées de desseins. Au printemps 1947, âgé de 23 ans, il s’inscrit en architecture, à la Faculté d’architecture de l’Université de Londres. Quatre années d’études qui s’avèrent un succès. Architecte diplômé, il obtient de nombreux honneurs. Il se marie en 1955, avec Jannina Chalaczkiewiewicz, qui a vécu elle aussi les horreurs de la déportation. Ils auront trois enfants. Tout en travaillant ardemment, Zigmunt savait tisser des liens d’amitié dans différents coins du monde. Ses contacts lui permirent de venir au Canada, à Montréal, pour s’installer ensuite à Ottawa, en 1959. Il ouvre un bureau d’architectes et d’ingénieurs sur la rue Merivale en 1961. Sa popularité se fait connaître rapidement entre autres, pour la construction d’écoles et d’églises en Ontario. Zigmunt Nowak eut connaissance de l’incendie qui avait ravagé l’église Saint-Bonaventure, en 1966, qui servait à cette époque de paroisse pour les fidèles de langue française résidant à l’ouest de Woodroffe. Quelques membres d’un comité appartenant à cette paroisse eurent l’idée de contacter le bureau de Nowak pour lui demander de soumettre un plan pour la construction d’une nouvelle église. C’est alors, qu’il pensa que c’était l’occasion de réaliser son rêve engendré sous la tente au cœur du désert, à Barbara, en Palestine. Il conçoit alors, et exécute les plans d’une église-tente en mettant au point ce projet, en reconnaissance pour sa vie sauvée et sa santé retrouvée.
Abbé Jean Gravel, premier curé-fondateur de la paroisse Saint-Remi
(1963-1966)
Suite à la proclamation de la fondation de la paroisse Saint-Remi, le 17 avril 1963, l’abbé Jean Gravel en devient l’administrateur et s’empresse de doter la paroisse de syndics et de marguillers, tels qu’Henri Pomminville, Normand Drouin, Jean-Claude Sirois et Robert Montreuil. Le bulletin Communauté chrétienne sert déjà aux nombreux comités en formation s’adonnant soit à une collecte de fonds pour la construction ou encore à la pratique d’œuvres de charité. Lors de la bénédiction de l’église en 1965, il publie dans le bulletin paroissial : « Jusqu’à ce jour vous avez été imprégnés d’une juste dévotion envers votre église… que dans la suite également, vous ne manquiez pas de continuer, spontanément à l’embellir et à assurer dignement sa conservation ».
Abbés Gérard M. Séguin, Jean-Yves Séguin (1966-1973)
Les paroissiens, au cours de ces années s’adonnent à la réduction de la dette contractée par la construction de leur église. La communauté et ses pasteurs demeurent fidèles aux engagements des bâtisseurs de la première heure. Dès les années 1970, on verra paraître des activités de levée de fonds tels que les bingos, les soirées récréatives et les fêtes champêtres, de nobles efforts qui ont porté leurs fruits et dont on célèbre encore aujourd’hui. Outre les préoccupations d’ordre matériel, sous la direction de leurs curés, les paroissiens initieront de nombreux comités paroissiaux pour répondre au fur et à mesure aux divers besoins. Le conseil d’administration des biens temporels, le comité de pastoral avec ses équipes pour la préparation des sacrements, les regroupements de prière, les chorales et les organistes sont des exemples des comités mis en place. On assistera également à la création de plusieurs activités pour les jeunes, comme le mouvement des scouts et des guides, les enfants de chœur, garçons et filles, la garderie et la messe au sous-sol pour les enfants.
Mgr Jean-Louis Plouffe (1973 – 1977)
*Entre les deux curés Séguin et l’abbé Jean-Louis Plouffe, il y aurait eu un ou deux vicaires de Saint-Bonaventure qui auraient déservi la paroisse Saint-Remi.
À son arrivée en 1973, Mgr Plouffe rencontre des paroissiens essoufflés. Il est en fait le quatrième curé de la paroisse en dix ans et, par conséquent, une certaine lassitude se fait sentir du côté des paroissiens. La paroisse porte encore le fardeau de la dette de la construction et, subit les conséquences d’une profonde tension interne attribuée en partie à la relation existante entre le comité des finances et le comité qui portait le nom de « Société Saint-Remi ». De plus cette paroisse francophone isolée dans l’ouest de la ville d’Ottawa, représente un autre défi. Il s’empresse donc de diriger tout ce monde vers un objectif commun, une même vision, afin de corriger la situation. Il propose une structure pastorale qui permettra de rejoindre le monde qui se trouve dispersé sur un vaste territoire. La « Société Saint-Remi » fusionne avec le comité des finances, indépendant du conseil paroissial de pastorale. « Un miracle se produit quand tout le monde dit oui à un projet commun », disait-il. Suite à une réorganisation pastorale, la paroisse va connaître un second souffle empreint cette fois, d’une confiance en l’avenir et d’un esprit solidement communautaire. Fiers de leur accomplissement, les paroissiens décident, à l’occasion du dixième anniversaire de la paroisse, de s’offrir un cadeau ; en d’autres mots, de laisser quelque chose à la paroisse. Ils organisent une campagne de financement et l’argent recueilli servira à l’installation de vitraux dans l’église et à l’aménagement du sanctuaire. C’est alors qu’arrive la magnifique verrière qui tapisse le mur à gauche de l’autel et les quatre petits vitraux. Réalisées par M. Henri Guérin, maître verrier français, originaire de Plaisance-de-Touche, tout près de Toulouse, les verrières seront récupérées lors de la fermeture du Petit Séminaire sur la rue Carson, pour être installées à Saint-Remi en 1975. Les verres au coloris intense en provenance de Murano en Italie, sont insérés dans une masse de ciment grisâtre, et placés du côté de l’ambon. Ouvre non figurative, la mosaïque de verre se veut, une représentation des glaces à la dérive sur le Saint-Laurent observées du haut des airs par l’artiste lors de son premier voyage au Canada. Quatre autres panneaux bleutés encadrent le tabernacle du côté droit de l’autel. Éclairés par le soleil et par des projecteurs, ces vitraux tout comme ceux des cathédrales, créent une ambiance propice à la méditation et à la prière.
« Si j’avais un souhait à formuler aux paroissiens de Saint-Remi, ce serait celui de continuer à offrir un environnement qui suscite l’engagement. Un milieu qui permet aux gens de vivre une expérience spirituelle et de rencontre avec Dieu».